Prédication du pasteur Marc Rossier

prononcée aux Diablerets et à Vers-l'Eglise, le 18 avril 2010

Pourquoi me persécutes-tu ?

(Actes 26,1-29)

« Eh toi ! Saül ou qui que tu sois, pourquoi me persécutes-tu ? »

Nous sommes nous-mêmes interpellés, interrogés ce matin par la parole de Jésus de Nazareth, ressuscité et Vivant !

Pourquoi me persécutes-tu ?

Qui ça moi, je persécute ? Qui est-ce que je persécute ?

Pour répondre à cette question, soyons aidés par notre guide, par le premier à avoir été interpellé de la sorte : Saül dont le prénom est traduit par Paul.

Je le choisis comme guide spirituel aujourd’hui pour moi, mais aussi pour nous, chrétiens d’occident, héritiers de son œuvre missionnaire. C’est grâce à lui, Paul, que nous partageons aujourd’hui cette espérance en Jésus, Fils de Dieu, ressuscité.

Et c’est grâce à nous, ou à cause de nous, que les générations suivantes vivront de cette espérance ou l’ignoreront.

Nous sommes les Pauls d’aujourd’hui, envoyé en mission dans notre propre pays pour révéler Jésus à une écrasante majorité qui l’ignore.

Mais avant d’être missionnaire, avant d’être interpellé par Jésus lui-même, avant de s’engager dans la proclamation de la Bonne nouvelle, avant de devenir conseiller de paroisse, avant de se risquer, de se lancer dans la bataille contre les ténèbres de l’ignorance : cette question doit être entendue :

Pourquoi me persécutes-tu ?

Notre guide, Paul, nous aide à bien comprendre la question, à y répondre avec intelligence.

Avant de pouvoir répondre à l’interpellation du ciel, il s’agit de comprendre : je persécute ? Moi ? Je persécute ? Qui est-ce que je persécute ?

- « qui es-tu Seigneur ? »

- « Ego eimi Jesous, hon su diokeis ! » - « Moi, je suis, Jésus que tu persécutes ! »

Moi, je suis. La formule rejoint la présentation que Dieu fait de lui-même à Moïse dans le buisson ardent : je suis le je suis. L’origine du verbe être, l’origine de l’être, l’origine du vivant.

Jésus ressuscité, c’est l’origine, c’est la puissance créatrice qui fait ressurgir la vie du cœur de la mort. C’est l’origine d’une vie plus vraie encore que la vie que tu mènes, c’est l’origine de la promesse d’une vie sans souffrance, sans malheur. Je suis Jésus. Celui que tu voudrais croire mort et enterré, je suis. Là, devant toi, je suis.

Voilà qui tu persécutes. Voilà qui tu empêche d’advenir, voilà ce que tu empêche de se réaliser dans ta propre vie d’abord.

Comment annoncer au monde la vérité, si tu ne la pas déjà sentie vivre en toi ?

Toi Saül, persécuteur des croyants. Tu es parmi les plus religieux de ton temps, du parti le plus strict dans sa recherche de la perfection et de la pureté. Tu mets la vérité tous les matins comme un habit, et tu vas à travers les rues, montrer cette vérité et débusquer le mensonge, l’erreur, la faiblesse, les égouts des hommes. Tu es le Pharisien qui maintient la droite ligne de la tradition, des indications religieuses transmises par les ancêtres et les prophètes. Tu crois traquer le mal, le débusquer et l’anéantir par ta foi, mais en fait, tu me persécutes.

Pourquoi !?

Parce que tu ne connais pas « Je suis », parce que tu ne me connais pas !

Je suis la résurrection, je suis la vie, je suis le chemin, je suis la vérité, je suis la lumière.

Crois-tu que je me laisse enfermer dans une religion des hommes ? Crois-tu que je me laisse enfermer dans des principes ? Crois-tu que je me laisse limiter par ta compréhension de la vérité ? Crois-tu que je ne sors jamais des limites que tu voudrais imposer ? Même la limite de la mort, je ne la respecte pas. Et voilà pourquoi certains, croient en moi !

Je ne suis pas une religion, Saül, je suis la vie ! Je ne suis pas une théorie à enseigner Saül, je suis ! Je suis une personne à rencontrer ! Saül, pourquoi ne me laisses-tu pas exister ? Exister dans le cœur de ces gens ? Pourquoi fais-tu obstacle ? Pourquoi penses-tu que la loi est plus importante que la vie ? Pourquoi penses-tu que la foi-même serait plus importante que moi ? Saül, tu me persécutes, et tu ne t’en aperçois même pas.

Comme anciennement le roi Saül persécutait mon ancêtre David, parce qu’il était jaloux de sa fraîcheur, de sa jeunesse, de sa sensibilité, de sa force et de sa délicatesse : le vieux roi Saül persécutait David parce qu’il était jaloux et parce qu’il s’accrochait à son pouvoir, à son prestige de misère. Mais toi, Pourquoi me persécutes-tu ?

Pourquoi ne fais-tu pas droit en toi-même, à la vie libre, à la vie confiante, à la vie débarrassée des peurs et angoisse ? Je suis est mort, mais je suis est ressuscité. La victoire est déjà remportée, la vie en plénitude est déjà à disposition, tout est payé, si tu le veux bien, tu m’appartiens et plus aucune limite, ni physique, ni intellectuelle, ni religieuse, ne pourra te séparer de moi.

Tu peux passer d’un statut de persécuteur à un statut de persécuté, ça vaudra mieux pour toi d’être accusé dans les tribunaux parce que tu m’appartiens, que d’accuser les autres parce que c’est ta dernière ressource pour croire que tu vaux mieux que les autres.

« Saül, Je Suis Jésus, que tu persécutes. Mais relèves-toi, debout ! Sur tes pieds ! Voici pourquoi je t’apparais : je te destine à être serviteur et témoin. Je te délivre déjà du peuple et des nations païennes où je t’envoie pour leur ouvrir les yeux, les détourner des ténèbres vers la lumière, de l’empire de Satan vers Dieu, afin qu’ils reçoivent le pardon et héritent la vie en moi et par moi. »

Paul raconte comment sa vie a radicalement changé. Il est en train d’évoquer cette vision de Jésus ressuscité, il est en train de raconter sa conversion, alors qu’il est en prison, enchaînés devant le gouverneur romain et devant le roi de Judée, qui fonctionnent comme juges et doivent statuer sur son cas.

Paul est dans une bien triste situation. Certain souhaitent la peine de mort pour lui. Depuis sa conversion, on cherche à la tuer, on l’a lapidé, on l’a arrêté, fouetté, on l’a enfermé au fond d’une prison avec les pieds coincé dans des blocs de bois.

Est-ce que ça nous donne envie de suivre ce guide ? Pourtant, Paul possède un trésor qui contrebalance ces situations de détresse. Sa relation à Jésus ressuscité lui a fait perdre toute envie de se préserver au détriment de la proclamation de l’Evangile. Sa relation à Jésus ressuscité, le vivant, le vraiment là, a ôté tout sentiment de peur et d’angoisse.

Alors oui, il souffre, oui, il pleure, il se désole de l’humanité qui refuse son sauveur. Mais en même temps, pour lui-même, il chante, il loue, il remercie tous les jours le Seigneur, et jusqu’au fond des cachots où on l’enferme.

C’est comme ça que Paul impressionne ses interlocuteurs, ses compagnons de cellule, ses geôliers. Son absence de peur et d’angoisse en font un être généreux. Loin d’être aigri par sa situation, il rayonne de l’amour qu’il perçoit du ciel pour lui-même et pour tous ceux qu’il rencontre.

Pour terminer, j’aimerais vous proposer une image qui m’est venue cette nuit : Paul j’aimerais le comparer à ceci (sortir une marmite à pression).

Avant de rencontrer Jésus sur le chemin de Damas, Paul avait fait le tour de la question. Il avait tout compris de Dieu, il se conformait à la loi comme les plus purs des hommes. Dieu ne pouvait pas lui échapper. Il possédait Dieu. Et la pression intérieure montait. La présence de Dieu, cherchait un chemin pour sortir de lui. Mais lui, voulais garder Dieu tout spécialement pour lui. La pression intérieure, rendait ses parois d’autant plus rigide, le couvercle impossible à ouvrir. Ceux qui ne lui ressemblaient pas n’étaient que des faibles, des nuls, des incapables de contenir Dieu. De comprendre Dieu.

Jésus est venu enlever le couvercle sur le chemin de Damas. Et vous savez ce que ça fait d’ouvrir le couvercle d’une marmite en pleine pression. Ça ressemble à un désastre. Paul tombe de son cheval, il est aveuglé, il ne verra plus rien pendant plusieurs jours. Le bouleversement sera total.

Ce n’est pas parce qu’il ne connaissait pas Dieu et qu’il le découvre tout à coup. Non, loin de là. Il connaissait Dieu, de très près. Mais loin de le laisser vivre en lui, il l’empêchait de sortir. « Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Voilà ce que lui dit Jésus. Il ne lui dit pas « pourquoi m’ignores-tu ? », mais pourquoi ne me laisse-tu pas vivre ?

Dès lors, le couvercle enlevé, la vapeur, l’Esprit de Dieu va pouvoir s’échapper de la casserole de Paul. Et sa vie va devenir généreuse de Dieu.

Les lois. Les règlements, les principes, les proverbes, les structures de l’Eglise, les habitudes. Toutes ces bonnes choses qui cherchent à cadrer la vie chrétienne, qui veulent aider à se conformer à une vie la plus adéquate possible à ce que Dieu veut, toutes ces bonnes choses peuvent aussi devenir des armes pour persécuter Jésus lui-même.

Jésus a été crucifié par des arguments religieux très respectables. Et aujourd’hui encore, nous risquons, en tant que chrétiens, de persécuter Jésus avec nos principes religieux.

Dans ces temps bénis où la société persécute la religion, nous risquons de nous recroqueviller en vissant le couvercle de nos casseroles et en cherchant à devenir les uniques détenteurs de la vérité. Une vérité toute intérieure et cachée.

Mais Jésus me dit alors : « pourquoi me persécutes-tu ? » « Pourquoi empêches-tu ma liberté d’émerger de toi ? »

Amen!

Une prière :

Seigneur Jésus,

Toi qui ne t’es jamais laissé enfermé, toi qui n’as pas respecté les limites de la religion, toi qui n’as pas même respecté le repos des morts,

Tu as fais exploser les parois de ton tombeau. Tu es ressusciter, tu es le vivant.

Et tu viens faire bouillir nos vies par ton Esprit de libération.

Nous te prions pour le témoignage des chrétiens d’aujourd’hui, pour le témoignage que nous pouvons nous même te rendre dans ce monde.

Nous te prions pour que tu nous acquières la confiance de Paul, ce lien intime avec toi qui évacue toute angoisse et toute peur. Qui nous fait te louer et de remercier en toute situation, et même jusqu’au fond de nos prisons, pour ta présence et ta bonté qui valent mieux-même que la vie.

Seigneur, bénis sois-tu de nous mettre en route à la suite de Paul, ton bien-aimé. Que nous puissions à son exemple faire rayonner l’évangile dans ce pays, dans notre vallée. Par notre témoignage, par nos choix, par notre confiance en toi.

Je te prie en particuliers pour les projets risqués de notre église qui vont dans ce sens. Celui de Hetty Overeem que nous allons bientôt accueillir avec les enfants de nos familles. Que ce projet porte tes fruits dans notre commune. Le projet de la fête des enfants à la Forclaz : qu’il soit un témoignage de l’amitié fraternelle et communautaire de ton église. Pour le parcours Alpha de découverte de la foi en toi. Que nous ayons le courage d’aller au-devant de ceux que tu nous désigne pour les inviter personnellement. Que ce projet soit l’occasion pour nous et nos prochains de prendre conscience de ce que tu fais bouillir par ta présence en chacun.                   Amen !