Prédication du pasteur Marc Rossier

prononcée aux Diablerets et à Vers-l'Eglise, le 20 juin 2010 

Le Royaume de Dieu est en toi

(Genèse 19,12-26 / Luc 17,20-37)

Comme chrétiens, nous espérons voir le Royaume de Dieu. Nous espérons le voir et, si possible, être pris dedans.

Mais c’est quoi le Royaume de Dieu ? Jésus ne le décrit jamais concrètement. Il utilise des images. Le Royaume de Dieu est comme : une graine, du levain, une perle, un trésor.

Ce qui est caractéristique, c’est que le Royaume de Dieu est toujours caché ou perdu. Dans les deux cas, il faut le chercher, il faut creuser, il faut se bouger et remuer ciel et terre pour le dénicher ou le retrouver.

Cette fois-ci, Jésus ne parle pas de le même façon aux pharisiens qui l’interrogent pour sa voir quand arrivera se Royaume. Le Royaume de Dieu n’arrivera pas, dit Jésus, il est déjà là. maintenant. Il est déjà là, mais il n’est pas visible, de façon à ce qu’on puisse dire : regardez, le voilà !

Non, il n’est pas évident, mais il est là. il est, dit Jésus en grec : « entos humôn »

Et c’est là que les lecteur, commentateurs, traducteurs de l’Evangile comment à s’empoigner, et même à dresser des bûchers pour les hérétiques, parce que cette formule peut se traduire de deux façon bien différentes : soit Jésus a voulu dire : le Royaume de Dieu est au milieu de vous. Alors il faut comprendre que le Royaume de Dieu, c’est Jésus lui-même qui inaugure ce Royaume.

Soit, de façon plus mystique peut-être, Jésus aurait dit : le Royaume est au-dedans de vous, en vous. Alors il faut comprendre que le Royaume est un peu comme la foi, comme un trésor personnel et intérieur.

La première traduction ouvre à la construction de l’Eglise, puisque le Royaume c’est ce qui est au milieu d’une communauté. La seconde traduction, ouvre à une spiritualité bien plus personnelle, individuelle et introspective, puisque le Royaume est à trouver en chacun. L’Eglise n’étant plus dès lors une tentative de réaliser le Royaume sur terre, mais simplement un moyen de faire connaître à chacun le trésor qu’il porte en lui.

Entre les adepte de la première traduction et les autres, il y a eu des guerre et des excommunication au cours de l’histoire. La question n’est donc pas à prendre à la légère.

Personnellement, je pense qu’au risque de passer pour un hérétique, il est bon de découvrir le Royaume de Dieu en moi, en toi, en chacun d’entre nous.

Jésus a des paroles extrêmement dures ensuite. Le jour du Fils de l'Homme, est comme un grand ramassage. Dieu a semé son Royaume en chacun de nous, et ce jour-là, c’est le jour de la moisson. Il passe prendre et récolter ce que ce Royaume aura donné, les fruits qu’il aura porté. Certain auront quelque chose à offrir, d’autre seront resté stériles. Certains seront pris et pas d’autres. Quand ce jour du Fils de l'Homme se produira, il passera, mais n’attendra pas. Il sera trop tard pour s’y préparer. Soit on sera prêt, soit non. soit nos lampes seront allumées, soit elle manqueront d’huile. Les uns seront pris et les autres laissés. Les liens du couple, les liens d’amitiés, n’y pourront rien. Seuls ceux qui seront jugés dignes seront emmenés.

Pour illustrer ce jour de jugement, Jésus évoque Noé qui a su préparer son arche sous le soleil brûlant pour être sauvé.
Il évoque Lot qui a osé tout quitter pour échapper à la destruction de sa ville.

Les paroles de Jésus sont terribles.

Qu’en faire en les entendant ? Paniquer ? Certainement pas ! Se bouger et remuer ciel et terre pour trouver ce Royaume ? Oui, plutôt ça. Le Royaume de Dieu est en vous, maintenant, dit-il, il s’agit de remuer le ciel et la terre de notre être pour trouver et faire émerger ce trésor qui s’y cache.

Voyez-vous, l’histoire de Sodome, c’est une parabole. Sodome, c’est l’histoire de ma vie.C’est l’histoire de chacune de nos vies. Nous sommes comme Sodome : c’est un tout. Nous ne sommes ni Lot, ni sa femme, si ses filles, ni ses gendres, ni un de ces sodomite irrespectueux de Dieu.

Nous sommes Sodome. Je suis Sodome. C’est un tout. Il y a beaucoup de chose à jeter dans ma vie. beaucoup de méchanceté, de faiblesse, de bassesse, de mauvaises pensées.

Mon corps en souffre à tel point qu’il vieillit. Ma vie est tellement désorganisée qu’elle ne peut pas me conduire vers une autre issue que celle de la mort. Comme Sodome, ma vie est vouée à la destruction.

Mais, si nous sommes attentif aux détails de cette destinée de Sodome, nous ne manquerons pas de remarquer qu’il existe un avocat pour cette ville. Si vous lisez le chapitre 18 de la Genèse qui précède juste le passage que nous avons entendu, alors vous entendrez cette avocat de Sodome. C’est Abraham, qui se démène, qui plaide, qui se risque à négocier jusqu’au bout avec Dieu, pour sauver cette ville.

Or, ce qu’il obtient, c’est que si Dieu trouve, ne serait-ce que 10 justes dans cette ville, alors Sodome sera épargnée à cause de ces 10 justes. Mais il n’y en a pas même 10.

Cet avocat de Sodome, préfigure, un autre avocat, celui de ma vie, celui de ta vie, vouées à la destruction. Jésus qui plaide, qui intercède, qui espère qu’on trouvera dans ma vie, 10 bonnes raisons de ne pas la détruire. En vain : Il n’y a même pas cela et je vais mourir.

Sombre tableau en vérité. Sombre tableau, si je ne suis pas capable, avec les anges de Dieu, de dénicher au cœur de Sodome, le trésor, le Royaume de Dieu,  la seule et unique chose qui ne mérite pas d’être détruite, la seule vie au cœur de ma vie terrestre qui mérite d’être sauvée, à l’image de celle de Lot.

Sombre tableau en vérité, si ne suis pas capable, avec Jésus de Nazareth, de dénicher dans ma vie, la seule et unique chose à sauver : le Royaume de Dieu. Le Royaume de Dieu qui est en moi.

Or, le travail des anges, comme le travail de Jésus, c’est de non seulement trouver cette vie, mais c’est ensuite de mettre cette vie à part, c’est de la faire sortir. Le Royaume de Dieu est en vous, dit Jésus : trouvez-le et sortez-le, pour qu’il ne soit pas détruit avec le reste.

Jésus est mort pour accomplir cette opération de sauvetage du cœur de ma vie.

Vais-je avoir la même attitude que les gendre de Lot : attendre. Ne pas concevoir l’urgence. Rire même de cette idée que Sodome sera détruite ? Vais-je faire semblant d’oublier que ma vie est destinée à l’anéantissement, et ne faire aucun cas de ma mort ?

De la même manière que je suis né une première fois, le bourgeon du Royaume de Dieu qui est en moi doit éclore lui aussi. Naître de nouveau, naître d’en-haut, comme le disait Jésus à Nicodème. Le trésor, la perle, la promesse d’une graine, doit advenir du tréfonds de ma vie et de ce que je suis.

Mais naître de nouveau. Changer de vie. Quitter ses habitudes, ses réflexes, ses plaisirs, ses relations même qui sont incompatible avec l’émergence de ce Royaume qui est en moi. voilà qui est extrêmement difficile. En même temps que la prise de conscience de ce Royaume en nous, nous trouvons aussi une nostalgie et une attirance pour ce qui est de ce monde et qui n’est pas compatible.

Les père du déserts, les premiers hermites et moines chrétiens qui avaient tout quitté pour aller vivre dans le désert leur foi et leur confiance en Jésus. Ces père du désert écrivent : Attention à cette nostalgie de votre ancienne vie. Celui qui l’écoute et agit en conséquence est comme un chien qui retourne manger son vomit.

Ce regret, cette nostalgie de ce monde dans lequel nous sommes né une première fois est fatal dit Jésus. On ne peut pas être en même temps dans l’arche et sur la terre inondable. On ne peut pas quitter résolument Sodome en s’échappant vers les montagnes du salut, et se retourner vers cette ville qui nous a vu vivre et grandir, sous peine de devenir un pilier de sel comme l’épouse de Lot.

Le Royaume de Dieu est en chacun d’entre nous. C’est la raison pour laquelle, c’est une responsabilité individuelle que de trouver et laisser émerger, laisser naître ce Royaume. On ne peut le faire pour quelqu'un d’autre, pas même pour son conjoint ou pour ses enfants. C’est ensuite une responsabilité personnelle que de ne pas se tourner avec nostalgie vers le passé, de ne pas retourner manger ce que notre estomac n’a pas supporté. Lot n’a rien pu faire pour sa femme. Ses filles n’ont rien pu faire pour leur futur époux.

Le Seigneur nous guérit. Il nous sauve, il nous garantit une vie éternelle, mais ce ne sera jamais malgré nos efforts contraires.

Nous devons nous laisser faire. Nous laisser naître, nous laisser sauver. Accueillir avec bonté les anges de Dieu quand ils frappent à la porte pour venir sauver le meilleur de nous-mêmes. Et surtout cesser de lutter pour maintenir les acquis du passé.

Quel que soit notre âge, l’essentiel est à venir, l’essentiel est devant toi. Regardes à l’éternité, regardes à Dieu.

Si tu choisis de marcher sur les traces du Christ, l’essentiel est devant, toujours devant. Le Royaume qui est en toi te tirera en avant. Ecoute-le, c’est une bénédiction. Surtout, ne te retourne pas.

Amen!

Une prière :

Seigneur Jésus,

Gloire à toi,

Tu es notre avocat, l’Abraham de notre Sodome,

Les anges envoyés dans notre vie pour Sauver Lot, c’est toi.

Vers qui d’autre nous tournerions-nous ?
Tu es le Sauveur !

Que ton Esprit  éveil et fasse éclore les bourgeons de la nouvelle vie que tu as placée en nous et que tu veux sauver pour l’éternité.

Oui, que notre foi en toi naisse : devienne palpable et pratique.

Que l’amour que tu fais naître en nous, soit un amour exercé

Pour que tout autour, nos proches, nos voisins, nos prochains,
soient interpellé par nos petites lumières dans l’obscurité de ce monde.

Seigneur Jésus,

Nous te remettons tout particulièrement aujourd’hui,

Celles et ceux qui, comme Lot et sa famille, ont tout quitté parce que leur vie, leur maison, leur village, leur pays, étaient menacés de destruction.

En ce jour des réfugiés, permets-nous de te les confier, de leur faire trouver des portes ouvertes et accueillantes.

Seigneur, Jésus, s’ils viennent à frapper à notre porte, que nous ayons cette compassion et cet amour suffisant pour accueillir le trésor de leur vie, convaincus de ce Royaume qui t’appartient et qui est en eux, comme en nous.

                                                                  Amen !